RETROUVER SA DIGNITÉ

Longtemps j’ai été victime de bourreaux que je créais moi-même, alors qu’il suffisait d’un non pour m’en défaire. J’ai appris à dire non.

Après avoir dressé le bilan d’une existence de mal-être, ponctuée de déceptions et d’échecs successifs, un jour quelque chose en moi s’est manifesté et m’a poussée à remettre mes croyances en question. En premier lieu, la conviction profondément ancrée que l’Autre ne pouvait que me vouloir du bien.

Voilà ce en quoi consiste le talent Scorpion, pénétrer ce qui est caché.

Découvrir à quel point mes croyances étaient erronées m’a délivrée de mon sentiment de culpabilité et d’indignité. Discerner les mensonges embusqués derrière les masques m’a rachetée à mes propres yeux.

En parlant de mes réflexions autour de moi, je me suis aperçu que ça réveillait un écho chez certains, qu’ils s’intéressent ou non au domaine astrologique. C’est ce qui m’a donné l’envie de partager les enseignements glanés au cours de ma traversée en solitaire.

Je n’ai pas cherché à créer une énième méthode de connaissance de soi ou un nouvel art de vivre. Ce serait renier ce que j’ai appris et qui je suis aujourd’hui. C’est seulement ma manière à moi d’inviter chacun à se créer sa propre histoire, se forger sa propre vision du monde et tracer son propre chemin d’autonomie.

Entendre tout ce qui se dit, mais ne plus écouter ceux qui prétendent avoir découvert un chemin universel et nous disent comment le suivre pour atteindre notre but.

J’ai écrit un livre dans cette optique. C’est loin d’être un manuel d’Astrologie comme le suggère le titre, je me suis servi de mes maigres connaissances en la matière pour ouvrir une porte. Et Scorpion est simplement l’appellation d’une énergie qui nous demande de trouver notre vérité. Sans plus croire aux promesses des uns ou se laisser entraîner par les beaux discours des autres.

Après l’avoir édité, j’ai décidé de le retirer provisoirement pour le réécrire. J’évoquais plus haut l’ouverture d’une porte, c’était une porte d’entrée, la mienne. Je me suis rendu compte qu’il fallait d’abord la refermer, puis en ouvrir une autre donnant sur le monde extérieur.

LA NATURE DES CHOSES

Il semblerait qu’il ne puisse y avoir de sérénité sans la guerre, pour nous faire apprécier la paix à sa juste valeur. Ni d’amour sans la peur qui nous en éloigne, et nous pousse à le rechercher sans relâche. Ni de joie sans chagrins, parce que la tristesse ouvre notre cœur à l’espoir d’une joie nouvelle.

Ainsi va la nature des Hommes.

Et il semblerait que la frustration et la colère nées de cet espoir souvent déçu nous entraîne alors très loin, bien au-delà de nos intentions. Mais n’est-ce pas là justement que se révèle la grâce du pardon ?

Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, les choses arrivent et puis s’en vont. Elles naissent et puis meurent, apparemment sans raison. Et puis reviennent chaque fois qu’on oublie, pour nous rappeler qu’elles ont un jour existé et qu’elles existeront encore un jour.
Avec ou sans notre intervention.

Ainsi va la nature de la vie.

Au-delà de nos limites, rien ne nous appartient plus, et c’est heureux.
Au fond, on n’a pas vraiment besoin de faire quelque chose de notre vie. Telle qu’elle est, c’est elle qui fait quelque chose de nous.
Toujours.

Alors, ainsi soit-elle.

Charlie était un chat errant, comme moi…

LE SILENCE DE LA COMMUNICATION

Il peut sembler étrange d’évoquer le silence après avoir rédigé un écrit de 555 pages. Je l’ai bouclé en effet, et pas plus tard qu’hier, mais j’ai choisi de ne pas le diffuser, pour une raison qui m’est devenue évidente pratiquement à la suite.

En ces temps de communication à outrance, où la surenchère est le maître mot, la seule qu’on oublie d’honorer, c’est celle qu’on entretient avec soi-même. Elle est pourtant vitale pour qui tient à rester honnête dans sa relation à l’autre.

On ne peut pas empêcher les pensées de naître, les questions de se poser, les réponses de s’imposer, les émotions de se manifester, c’est ce qui constitue notre environnement psychique.
En revanche, il est possible d’éviter la cacophonie intérieure. Il suffit de ne plus les opposer à des pensées, des questions, des réponses et des émotions extérieures.

Plus facile à dire qu’à faire, je suis d’accord, et c’est le but du travail personnel justement. Essayer quand même de s’y confronter, jusqu’à s’apercevoir qu’il n’y a rien d’absolu ou d’avéré dans la vie, qu’il n’y a aucune vérité – ni humaine ni immanente – qui puisse mettre tout le monde d’accord.
Arrivé devant ce constat, l’unique réalité qui subsiste, c’est la sienne. Sa propre histoire et la façon dont on la considère. La dernière question qui se pose alors, c’est si on va lui accorder une dignité entière, juste parce que c’est la nôtre.
Si nous trouvons notre histoire digne, parce que nous avons toujours fait du mieux que nous avons pu, alors nous nous sentirons digne d’exister sans avoir besoin de nous justifier.

Je suis très sensible à ce qui m’entoure, ça signifie que je présente une certaine forme d’intolérance. Et c’est vrai, je déteste profondément l’hypocrisie qui régit les relations sociales, sauf que ça ne fait pas de moi un être nocif.
L’opinion publique aussi est une forme d’intolérance, puisque elle ne supporte pas ce qui dépasse du cadre de ses normes. La différence, c’est qu’elle exerce de la répression Et là oui, c’est nocif.
Or, en voulant changer ce que je suis, je relayais ses diktats, je me faisais du mal sans même m’en rendre compte

Le livre que j’ai écrit raconte le chemin que j’ai suivi pour me réconcilier avec ma nature. Il a été chaotique souvent, féroce parfois, parce que j’ai voulu batailler avec un ennemi insaisissable.
Une histoire concerne le passé, et il est essentiel de le revisiter pour lui rendre la place qui lui est due. Après tout, c’est ce qui nous construit, c’est ce qui nous sert à déterminer la manière dont on se propose d’aborder le présent.
Et une fois que c’est fait, on peut le laisser s’en aller.
C’est pourquoi j’ai décidé de ne pas le partager en dehors des personnes qui me l’ont demandé.

Je suis en paix avec mon histoire passée maintenant, tout ce que j’ai envie d’exprimer, c’est ma sérénité retrouvée.



OÙ EST LE CHEMIN DE TON AUTONOMIE ?

J’avais écrit ce texte alors que j’avais besoin de me consoler et de m’encourager.
Je ne me doutais pas à ce moment-là qu’il serait toujours d’actualité vingt ans après.
Quel que soit le contexte, le chemin est le même, dire « non » à certaines choses, c’est dire « oui » à d’autres.

L’ESPACE DU SILENCE

Je me souviens de cette remarque de la part d’un thérapeute et qui m’avait particulièrement interpellée: « Pourquoi tombez-vous toujours sur des hommes avec qui ça ne va pas marcher » ?

Tiens, tiens, serait-il possible que je l’aie voulu ? Inconsciemment bien sûr, mais délibérément ?

C’est le genre de question qui change complètement les données d’un problème. Plutôt que de me demander le pourquoi de mes relations ratées, j’ai commencé à chercher en quoi ces rencontres m’avaient été utiles, démarche autrement plus constructive.

Et j’ai gardé ce réflexe salvateur, je suis convaincue qu’une difficulté sert toujours à quelque chose. Apparemment c’est le cas puisque je conçois des solutions innovantes, et entièrement réalisables dans la mesure où elles n’engagent que ma responsabilité.

Aujourd’hui, j’estime que personne ne me doit rien, chacun agit selon ses envies. Mais dans un souci d’équité, j’estime n’avoir d’obligation envers personne non plus, à part l’honnêteté . Après tout, c’est la seule chose que j’attends également des autres.

C’est comme ça que je me sens libre. Libre d’accepter et libre de refuser, libre de partir et libre de rester. Quand j’aurai trouvé ce que je cherchais.

L'ESPACE DU SILENCE

Quand l'éclat de ses yeux
Est la lumière en moi

Quand derrière son sourire
Je reconnais ma joie

Quand la fenêtre de son âme
S'ouvre sur ma terre naissante

Quand ma peau se fait douce
Près de sa main frémissante

Quand son souffle exhale
Des parfums oubliés

Quand son corps se fait empreinte
Dans mon pays retrouvé

Tout s'est dit sans un seul mot

MON PREMIER DESSEIN D’ENFANT

Quand j’étais petite, j’adorais le dessin mais je ne savais pas dessiner alors j’y ai renoncé. Devenue adulte, je m’y suis remise de façon sporadique, chaque fois portée par un bel élan, aussi vite réprimé devant le peu de résultat. C’était tout simplement moche. Bref, j’étais frustrée.

Puis un jour, j’ai essayé différemment. Plutôt que de dessiner quelque chose de « joli », j’ai décidé de laisser sortir ce qui voudrait bien sortir. Je me suis dit que si je me ratais, je pouvais reprendre une feuille blanche et recommencer à zéro. C’est antinomique comme concept, mais je crois que je faisais l’apprentissage de la spontanéité, en m’accordant le droit à l’échec.

Je me suis servi un verre de bière, j’ai mis de la musique, et je me suis lancée en évitant soigneusement de réfléchir. À la place, j’ai chanté et dansé.

Et voilà ! Ça ne ressemble à rien, n’est-ce pas ?

Heureusement, mon fils qui passait par-là a pensé à faire pivoter mon œuvre d’1/4 de tour. Ça a un peu sauvé les meubles, au moins l’espèce de jaune d’œuf se trouvait dans le ciel et pouvait faire office de soleil.

Et pourtant j’en suis fière, tout simplement parce que j’en ai fait ma philosophie de vie. Moi qui étais si timorée et si timide, je suis devenue audacieuse et créative dans ma relation aux autres et à la vie.

Maintenant, je me dis que tout ce que je rate, je peux le recommencer sur une autre page. Alors, j’essaie des choses nouvelles.

En fait, je vis aujourd’hui l’insouciance qui m’avait fait défaut quand j’étais petite. D’ailleurs j’ai appelé mon gribouillis « Mon premier dessein d’enfant ».

AVEC LE TEMPS

Ma sexualité a pris une dimension particulière cet été, avec un homme pour qui je n’éprouvais aucun sentiment, une première pour moi. Ça m’est venu comme une lubie, un jour je me suis juste dit que j’allais aborder ma relation à l’homme par la base.

Eh bien, ça a été une révélation. Je n’avais jamais ressenti une telle liberté, une telle jubilation. Et alors qu’avant, il y avait toujours une part de moi qui restait spectatrice, cette fois je me suis sentie non seulement unifiée mais en parfaite symbiose avec mon partenaire.

Est-ce que je dirai qu’on n’a pas fait l’amour parce que je ne l’aimais pas ? Ce que j’ai ressenti alors était très différent de ce que je croyais être l’amour (ce sentiment exigeant presque douloureux qui appelle à toujours plus, plus fort, plus haut, plus grand).

Là, c’était bon, c’était beau, c’était chaud, c’était simple. Plein de tendresse et en même temps purement animal, dépouillé, sans apprêts, sans questionnements. Comme si la vie se célébrait d’elle-même.

Et maintenant ? Je ne sais pas si nous avons une relation d’amour ni même une relation tout court. Je crois que ça n’a pas vraiment d’importance, parce que pour la première fois de ma vie, j’ai le sentiment d’avoir le temps.

C’est infiniment apaisant.

C’EST PERMIS DE GRANDIR

Comment j’ai commencé à écrire

Je me souviens d’une époque où ce n’était pas seulement vide et noir, c’était douloureux comme l’absence et le manque.
Quelque part, j’avais entendu parler de « Soleil Noir », je l’ai alors baptisé mon soleil noir.
Ces mots lui ont donné de l’importance, ça a un peu allégé la souffrance.

Il y a des mots qui nous parlent, d’autres que nous faisons parler parce qu’ils nous consolent un peu.
Il y a les mots creux et vains, il y a les mots qui font mal.
Et puis il y a ceux, merveilleux, auxquels on aimerait tendre, mais qui sont restés au stade de lettre morte.

Alors j’écris mes propres mots.
Je les écris parce que j’ai le temps, je les écris pour passer le temps.
J’écris pour que le temps passe, j’écris parce que le temps qui passe me presse. J’écris pour que le temps qui me reste ne soit pas la seule raison de mon existence.

°°°°°°°°

Pendant que j’écris – fébrile, Heaven se manifeste impérieusement dans mon dos en s’agrippant de tout son poids à mon pull. « Eh, occupe-toi de moi ! »
Je tire de mon côté pour m’en débarrasser et elle finit par décrocher, les mailles du pull avec. Ne s’avoue pas vaincue pour autant, grimpe sur la table de la cuisine et s’étale sur mes prétentions d’écrivain.

J’ai compris le message. Un câlin n’attend pas.
Ça ne dure pas des heures non plus, elle en a vite assez et me quitte brutalement alors que je commence tout juste à apprécier le doux contact de son pelage soyeux.
Heaven est ma petite panthère noire.

(Ce qui est petit est mignon ?)… faut voir…

Chaton, c’était une véritable terreur, aussi éloignée que possible de la petite boule de poils confiante et innocente qu’on aimerait tenir dans le creux de sa main.
La nuit, au lieu de dormir, elle guettait le moment où je laissais sortir par mégarde une main ou un pied des couvertures pour aussitôt sauter dessus et me mordre jusqu’au sang.

Une tape sur le museau, il paraît que c’est ce que fait la maman chat pour décourager les velléités par trop agressives de ses petits. Une tape, tu parles… pour calmer ses ardeurs, j’ai été obligée de lui aligner carrément des torgnoles qui l’envoyaient valdinguer contre le mur. Ça la calmait… quelques minutes.

Cet ouragan en miniature m’a enseigné par la force des choses que les portes fermées n’avaient pas lieu d’exister si je voulais bénéficier d’un semblant de paix et de silence. Un ouragan, même de quelques centimètres d’envergure, ça fait un boucan de tous les diables.
Quand je lui préparais à manger, la terreur trouvait que c’était trop long, elle ne pouvait l’accepter. Escaladait alors ma jambe pour s’accrocher à ma taille et surveiller au plus près le bon déroulement des opérations. Si j’étais en pantalon, ça ne posait pas de problème. Mais en jupe ? On imagine les dégâts…

Je rêvais souvent de lui tordre le cou.
Chaque fois, pile au moment où je me demandais comment procéder, elle s’approchait d’un pas circonspect et, l’air de rien, venait se blottir contre moi pour téter… mon bras. Avec précaution d’abord, puis un enthousiasme de plus en plus grandissant, jusqu’à la presque fureur. Et d’un seul coup, sans la moindre transition, elle s’effondrait comme une masse, épuisée.
Confiante enfin.
L’espace d’un apaisement, son doux ronflement de bébé chat nous entourait alors d’une bulle de tendresse absolue… qui volait en éclats dès qu’elle entrouvrait les yeux. Elle sautait aussitôt du canapé et détalait comme si sa vie en dépendait.
Entre-temps, elle avait eu tout le loisir de me pétrir et de m’arracher la peau de ses griffes étonnamment pointues pour une créature aussi minuscule.

Les chats sont des destructeurs : de pulls, de canapés, de papier peint, de bras et de jambes.
Les chats sont des despotes sanguinaires, quand ils veulent quelque chose, c’est tout de suite. Sinon, gare à votre peau.
Les chats sont ingrats, lorsqu’ils ont satisfait leurs exigences, vous cessez d’exister.
Et pourtant, on les aime. Pourquoi ?

La communication du chat est limpide : voici ce dont j’ai besoin. Point.
Il est clair dans la relation : il prend, laisse et s’en va sans se sentir redevable.
Il n’y a ni confusion ni ambiguïté, il est lui et vous êtes vous, les contours sont bien définis.

Le chat représente tout ce que nous ne sommes pas en tant qu’être humain.
Le chat ne fait pas semblant de nous aimer pour arriver à ses fins ou nous complaire.
Le chat n’attend pas d’autorisation, n’est pas en quête d’approbation, il est libre d’être ce qu’il est. Dans son monde à lui, l’être le plus important c’est lui, il ne lui viendrait pas à l’idée de prétendre le contraire. Et pourtant, sa présence nous fait du bien.
Comme celle d’un enfant.
Comme un enfant, il est vrai, et avec lui nous pouvons l’être aussi.
Nous n’avons plus besoin de nous cacher.

°°°°°°°°

Pourquoi j’ai commencé à écrire ?

Je n’ai jamais été une petite fille insouciante, partout où je regardais, je ne voyais que menace et désolation. Alors je m’appliquais à bouger le moins possible dans l’espoir de me faire oublier.
Le souvenir de cette petite fille qui n’a jamais existé me manque. Mais je me souviens de sa peur, de sa solitude. Je me souviens et je pleure son désespoir. Je pleure parce que je sais qu’elle n’existera jamais.

Je pleure l’enfant qui a dû renoncer à grandir. Celle qui est resté là-bas, très loin, dans une bulle de verre infranchissable.

°°°°°°°°

Nous devons tous à un moment ou à un autre visiter cette contrée qu’on appelle le monde. Lorsque est venu le temps pour moi, mes pas n’étaient pas très assurés, le cœur n’était pas à l’ouvrage. Je suis partie avec juste au fond de moi l’espoir de connaître un jour l’amour d’un homme.
L’amour, je ne savais pas ce que c’était, je savais seulement que le jour où je le trouverais, mes efforts seraient récompensés. Et que ce jour-là, je connaîtrais enfin la paix.

C’est comme ça que j’ai commencé à marcher, quand j’ai cru que j’étais devenue une femme. Certains matins, le courage me venait. D’autres fois quand la fatigue me terrassait, je m’arrêtais pour reprendre mon souffle avant de reprendre ma route.

J’ai trébuché, je suis tombée, je me suis écorchée, je me suis blessée. Alors à nouveau, je m’arrêtais pour me reposer et me soigner.
Chaque fois, je me suis relevée et j’ai continué, en oubliant la plupart du temps où aller ni pourquoi y aller. L’amour, est-ce un endroit ? Et est-ce que ça existe vraiment ?

Je savais seulement que je devais marcher, alors j’ai marché, me demandant à chaque pas quand et si j’allais y arriver.
Un jour, je me suis dit que je n’y arriverais pas et je me suis arrêtée pour de bon, au milieu de nulle part. Et j’ai appelé le sommeil, espérant que ce serait à jamais.

Je me suis quand même réveillée.
Quand j’ai ouvert les yeux, une nuée grouillante de cafards me cernait.
Que faire devant un telle multitude sinon fuir ?
Mais on ne peut pas fuir toute sa vie, nos ressources ne nous le permettraient pas. Il y a un moment où il faut faire face.
Affronter, je ne me sentais pas de taille, alors j’ai rusé. Je leur ai fait croire que je les aimais et que je saurais prendre soin d’eux. J’ai essayé de me faire accepter et de les apprivoiser. J’ai essayé de me fondre dans la masse et de me faire oublier.
J’ai même fini par y croire, j’ai réussi à me persuader que le monde entier baignait dans la lumière d’un amour universel et infini.

La chute a été brutale, comme auparavant. Le réveil douloureux, comme auparavant. L’affrontement devenait inévitable, malgré l’issue prévisible et inéluctable. Très vite, submergée par le nombre, j’ai baissé les bras et j’ai laissé faire.
L’oubli est un refuge qui s’offre parfois.

Dieu sait comment, j’ai fini par me réveiller une fois de plus.

Quand on est réveillé, on n’a d’autre solution que de se lever pour assurer sa survie et sa subsistance.
On peut repartir et retrouver à la longue un certain goût à la vie. On peut même y reconnaître un semblant d’harmonie. C’est loin d’être parfait, mais on réussit à se convaincre qu’il n’y a rien de plus ennuyeux que la perfection.

On peut se persuader que c’est très bien comme ça. Mais c’est épuisant de faire semblant.

°°°°°°°°

J’ai besoin de temps, j’ai besoin de pardon.
J’ai besoin de croire que la bulle où j’étais n’avait pas le dessein de m’isoler, j’ai besoin de croire qu’en réalité elle me protégeait et que quelque chose aujourd’hui continue à me protéger. De le croire m’évite de sombrer à nouveau, j’ai besoin de croire que je peux vivre autrement, qu’avec le temps j’apprendrai. J’ai besoin de le croire pour continuer.

Je ne sais pas à qui le dire, mais j’ai besoin de dire merci.
Merci de veiller sur moi, même quand je ne m’en aperçois pas.
Merci de me rappeler que je suis vivante, même si je ne le sais toujours pas.

Quand d’aventure j’arrive à le ressentir, l’espace d’une seconde je me sens grande. Seulement l’espace d’une seconde…

« N’OUBLIE JAMAIS
TU N’AS PAS BESOIN D’ÊTRE GRANDE TU AS JUSTE BESOIN DE GRANDIR »

C’est quand j’ai entendu cette voix dans ma tête que j’ai commencé à comprendre. Je n’avais pas besoin d’être une petite fille pour grandir. Les grandes personnes aussi en ont le droit.

L’OMBRE ET LA LUMIÈRE

Devant c’était le noir, mais derrière était le désespoir, alors j’ai choisi. La lumière n’a-t-elle pas surgi du néant ?

• Quand tu te réveilles en sursaut le matin ou au milieu de la nuit, et que tu ne sais pas CE QUE TU ES, DE QUELLE SUBSTANCE TU ES FAIT. La seule chose que tu ressens dans ton corps, c’est un vide noir sans fond et sans contours. Et pour ne pas sombrer dans la terreur, tu t’obliges à te mobiliser en urgence pour retrouver une parcelle de souvenir à laquelle te raccrocher.

C’est une manifestation de ce qu’on appelle la dépersonnalisation.

• Quand tu vois le monde autour de toi et que tu ne comprends pas CE QUE C’EST, CE QUI S’Y PASSE, COMMENT ÇA FONCTIONNE. Que tu as l’impression d’en être séparé par un mur infranchissable derrière lequel tu te sens prisonnier. Et que dans tous les cas, tu n’en fais partie.

Ce peut être ce qu’on ressent dans la déréalisation.

…….

L’impression de dépersonnalisation/déréalisation est fréquente et peut apparaître à la suite d’un stress intense ou d’une prise de drogue par exemple. Elle est alors transitoire.

Elle est considérée comme un trouble quand elle survient spontanément, ou quand elle devient récurrente ou invalidante. Ce trouble concernerait 2% de la population.

Source : Trouble de dépersonnalisation/déréalisation – Troubles mentaux – Manuels MSD pour le grand public

Ce n’est donc pas une pathologie, mais peut être symptomatique d’une pathologie sous-jacente.

…….

Ce trouble, je l’ai vécu pendant des décennies sans avoir vraiment pu l’exprimer, sans doute avais-je le sentiment d’être « anormale » et que j’en avais honte quelque part. Peut-être me disais-je aussi que les autres ne comprendraient pas ce que j’avais du mal à comprendre moi-même.

Ce qui m’a sauvée de la dérive, c’est mon imagination débordante et le goût de l’écriture qui s’est révélé sur le tard.

Et très curieusement, j’ai trouvé une porte de sortie par le biais de ma maladie bipolaire. Mais seulement quand j’ai pris conscience que je pouvais participer activement à sa compréhension, et par-delà à sa résolution.

Aujourd’hui je sais que j’existe, c’est apaisant.

JE SUIS CE QUE JE VIS

Quand je danse ou quand je suis dans ma sexualité (qui est une danse aussi, la plus aboutie même), je sens mon corps animal se libérer.

Quand je pense ou quand je pense à l’autre, je m’imagine végétale, à la manière d’un arbre. Je suis convaincue que chaque être vivant, du simple fait d’exister, a sa propre contribution à apporter au monde : un fruit, une œuvre, une beauté ou une fonction particulière.

Quand je prends du recul pour observer le monde, je deviens minérale. Rien ne me touche vraiment, rien n’est bon ou mauvais en soi, c’est là c’est tout. Ce qui m’intéresse, c’est de déterminer l’utilité de ce qui se donne à voir, à entendre et à comprendre.

Et quand j’agis, c’est un petit peu un mélange de tout ça.

Je suis une personne à part entière. Parfois de mauvais poil, parfois de mauvaise foi, parfois égoïste, parfois déstabilisée, parfois triste, parfois larguée… Mais toujours contente, parce que je me sens vivante.